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De l’eau glisse le long du dos d’Angel, ruisselant sur ce tatouage. A-t-il la moindre idée d’à quel point cette chose est sexy? Probablement. C’est probablement pour ça qu’il l’a fait. Je me penche en avant, l’embrasse juste entre les omoplates, à travers l’eau coulante.
Il me regarde par dessus son épaule, et même à travers toute la vapeur, je peux voir le rire dans ses yeux. "Allez," dit-il, en faux avertissement. "C’est juste pour que tu m’ailles chaud."
"Je t’aime très bien en froid," dis-je, ce qui est vrai. C’est stupéfiant les choses auxquelles on peut s’habituer. "Mais chaud, c’est bien aussi."
Angel ne se tourne toujours pas pour me faire face, ce qui est probablement pour le mieux, vu que nous nous douchons ensemble. Nous ne nous permettons pas beaucoup de nous voir nus – il n’y a pas si longtemps, on ne se le permettait pas du tout – et le facteur tentation connaît une flambée quand on se voit. Prenez maintenant, par exemple. Angel est sous le jet de la douche, laissant l’eau très chaude couler sur lui, créant une petite chaleur corporelle artificielle .Une gâterie pour moi.
Je peux voir est le derrière extrêmement ferme d’Angel, assez tentant comme ça. Je me sens confiante – nous sommes à mon appartement, pour changer – et je me sens vilaine, et l’eau chaude est si agréable sur moi aussi, donc je me rapproche de lui. Je presse mon bassin contre ses fesses, ma poitrine contre son dos. Il se raidit en un instant, laisse tomber la tête en arrière.
"Cordy -- oh, Seigneur --"
(...)Soudainement il tourne sur lui-même, se libère de ma prise et m’embrasse fermement. Je m’accroche à lui, incline ma tête en arrière, le laisse me dévorer avec ses baisers.
C’est si mal, si injuste, que cet homme, cet homme magnifique et passionné puisse être un amant tellement bon – la façon dont il touche, la façon dont il embrasse, je sais déjà qu’il est bon aussi pour le reste – et toutefois qu’on lui refuse. Si mal qu’il puisse me donner tant de plaisir et n’être jamais autorisé à prendre le sien, être en moi.
Soudainement, c’est simplement trop. Je dois avoir Angel en moi, de n’importe quelle façon. Si ça ne peut pas être le rapport, alors --
(...) Après quelque secondes, je me relève – mes jambes sont tremblantes, à cause de l’émotion et de la tension. Angel m’attire contre lui en une étreinte. "Bon?" murmurais-je.
"Bien plus que bon," dit-il, sa voix tremblant.
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"Je ne peux me permettre qu’une série de tickets toute cette saison, donc je dois choisir attentivement," dit Gunn. "D’un côté, 'Aida' – c’est censé être totalement stupéfiant sur scène. Des éléphants et tout. On ne peut pas avoir ça d’un CD. Mais d’un autre côté, j’ai entendu dire que 'Attila' n’est pas beaucoup joué sur scène. Pas avec Sam Ramey comme acteur principal en tout cas -- quoi?"
"Hurlant et te débattant," ris-je. "Angel a dû te traîner hurlant et te débattant jusqu’au ballet l’autre fois! Et il a créé un monstre."
Gunn sourit et secoue tristement la tête. "J’ai pensé que mon attitude ‘cool’ est fichue. Au moins je peux être cultivé, pas vrai?"
On traîne chez lui pour une fois; la décoration intérieure est toujours ‘Début Flop house’, mais on peut voir que Fred passe un peu plus de temps ici. Il nettoie beaucoup plus soigneusement, deux plantes son apparues sur le rebord de la fenêtre, et il y a un couvre-lit sur le divan qui cache la pire des déchirures. Wesley, Angel et Fred sont partis chercher de la bière – avec le bébé, rien de moins. Un de ces jours, on va avoir des ennuis pour la corruption d’un mineur; je le sais.
La tour de CD de Gunn est remplie des quelques disques de hip-hop et de rap qu’il est parvenu à s’offrir durant les années avant qu’il ne nous connaisse, et les nombreux disques classiques sur lesquels, ces deux derniers mois, il a dépensé une part de sa richesse nouvellement trouvée. Du ballet, Gunn est passé à l’opéra; la symphonie ne doit pas être loin derrière
"Fred apprécie le changement de musique?" demandais-je, m’appuyant contre le divan. "Je ne pense pas qu’elle était fan de tout le Tupac que tu passais tout le temps dans la voiture."
"Je crois que Verdi est plus son truc," dit Gunn. Il sourit largement; ces jours-ci, Gunn est un homme heureux. Nouvel argent, nouvelle petite amie, nouvel enthousiasme. Pendant un long moment, il semblait qu’il n’allait jamais tourner la page sur la vie qu’il laissait derrière lui. Personnellement, je ne vois pas l’attrait de tout le truc gang-sans-logis. Mais ça signifiait quelque chose pour lui, quelque chose que je ne pensais pas que nous égalerions jamais. Mais il s’est réinventé maintenant. Charles Gunn est quelqu’un de nouveau, quelqu’un qu’il aime encore plus qu’avant.
Je connais le sentiment. C’est le meilleur sentiment du monde.
Son humeur est assez bonne pour tenter une question risquée. "Comment vont les choses entre toi et Wesley?"
"Mieux," dit-il facilement. J’ai un bon timing. "Je n’avais pas réalisé comme la chose avec Fred était profonde, tu sais? Je veux dire, je sais qu’il pensait que c’était un canon, mais tous les autres hommes hétérosexuels au sang chaud le penseraient. Ou même Lorne."
"Je pense que c’était assez profond, cependant."
"Ouais, ne m’en parle pas," dit Gunn. "Mais il commence à se détendre. Je crois qu’il tourne la page."
Je pense que Gunn se trompe à environs 1000 sur ça, mais soulever ce sujet ne va pas exactement améliorer les choses.
Gunn me lance un regard, et je pense qu’il est sur le point de me poser la question, et j’essaie de penser à un mensonge. Voilà pourquoi ça me surprend tellement quand Gunn dit, "Tu rends Angel maléfique, et je le tue."
Silence. Je n’ai pas de réponse à ça. En théorie, je suis d’accord. Bien que la promesse je-te-tuerais était beaucoup plus facile à faire avant que je ne sois amoureuse d’Angel.
Gunn a de nouveau ce regard sauvage – celui qu’il avait quand on l’a rencontré pour la première fois, quand il vivait dans les rues. Je pensais qu’il l’avait perdu pour toujours, mais il s’avère qu’il était juste caché, comme la déchirure sur le divan. Il se re-penche en avant et dit, calmement, "Et si, par chance, Angélus tue, viole, mutile, blesse, frappe, contusionne, insulte, ou met même Fred en portefeuille avant que je n’ai la chance de le tuer, je te tuerai également."
Il se penche en arrière, prend une grosse gorgée de la bière qu’il berçait. Après quelques secondes, Gunn me jette un coup d’œil, à nouveau décontracté. Il hausse les épaules. "Rien de personnel."
Il le pense.
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Je redescends toujours de mon nuage, et je ne peux pas parler, pas penser, je ne peux rien faire sauf me tordre de plaisir alors qu’Angel me fait l'amour. Il me pousse dans le matelas, si fort que ça devrait faire mal, mais ce n’est pas le cas. Rien n’a jamais été aussi bon, ne pourrait jamais être aussi bon que de finalement, finalement, finalement faire l’amour à Angel. Faire l’amour pour de vrai. Il bouge si vite, si vite qu’un humain aurait fini depuis longtemps, mais Angel n’est pas humain, et ce qu’il me fait, aucun humain ne l’a jamais fait ou ne pourrait jamais, oh, Seigneur, oh, Seigneur --
(...)Le corps d’Angel tremble avec la délivrance tandis qu’il s’effondre au-dessus de moi; son corps est si lourd et si agréable au-dessus du mien. D’un façon ou d’une autre, je trouve la force de glisser mes bras autour de lui, le serrant fort contre moi. Une étreinte d’amants.
Des amants.
Oh, Seigneur.
Oh, Seigneur, non.
Angel vient de coucher, vient juste de vraiment coucher, et c’était vachement super, et je l’ai fait. Dans n’importe quelle seconde, l’homme dans mes bras va devenir un monstre, et il va me tuer et il va tuer tous les autres et tout ça c’est ma faute --
"Tu es maléfique?" lâchais-je. Question stupide; mon cou n’est pas encore brisé, donc Angel n’est pas maléfique. Pas encore.
"Non," dit-il. Il commence aussi à paniquer, il a ce regard fixe bizarre et profond, comme s’il essaye de dire quand ça va commencer.
"Quand est-ce que tu deviens maléfique?" j’ai envie de le pousser de moi, m’éloigner vers la sécurité, et je déteste que ce soit ce que je ressens juste après avoir fait l’amour à Angel.
"Je – je ne pense pas que ça va se produire," dit-il. Une autre seconde et il soupire de soulagement. "Je vais bien. Tout va bien."
"Tu ne vas perdre ton âme," dis-je. Au début, il n’y a que du soulagement merveilleux. Et puis, stupidement, de la déception. Evidement que non. Bonheur parfait signifie vrai amour, ce qui signifie quelque chose qu’il avait il y a longtemps, ce qui signifie pas moi.
Il voit ce que je pense, prend ma joue dans sa main. "Je t’aime," murmure-t-il. "Ce n’est pas toi, ou ce que je ressens pour toi."
"Mets-moi à l’épreuve," dis-je. Parce que là maintenant, de toutes les fois, je n’ai pas envie d’avoir l’impression d’être le second choix.
"Je ne peux pas avoir le bonheur parfait si je m’inquiète pour Angélus," dit-il. "Biensûr." Il le réalise pour la première fois – d’un autre côté, je suppose qu’on ne sait jamais tant qu’on n’a pas essayé. Angel me regarde dans les yeux, et il y a tant d’amour là, tant de soulagement, que j’ai envie de pleurer. "Pas même avec toi, autant que je t’aime."
"Tu le penses?" Maintenant j’ai envie de rire, de faire exploser les feux d’artifices, quelque chose comme ça. Parce qu’Angel et moi pouvons faire l’amour, et maintenant il n’y a rien pour nous empêcher d’être ensemble toute la nuit, chaque nuit, si c’est ce que nous voulons. Je sais que c’est mon cas.
"Nous devons nous en souvenir," dit-il. Il a de nouveau ce regard profond. "Nous ne pouvons jamais oublier la malédiction, Cordy. La minute où je commencerais à me sentir bien, à me sentir en sécurité – c’est là que ça arrivera."
"D’accord." Je l’attire à nouveau contre moi, souris alors qu’il blottit son visage dans la courbe de mon cou. "On n’oubliera pas."
Nous restons silencieux pendant un moment, et je sais que nous pensons tous les deux à la même choses. Et si on oublie? Comment peut-on s’en empêcher?
A un certain point, si nous ne sommes pas prudents, nous allons commencer à nous sentir en sûreté. Peut-être même si nous le sommes.
Est-ce que nous pouvons continuer à faire ça? Est-ce que nous pouvons continuer de tracer et effacer et retracer cette ligne dans le sable jusqu’à ce que nous trouvions notre limite absolue ? Ou allons-nous aller trop loin, devenir trop proches, et amener notre monde à ce qu’il s’effondre autour de nous, jusqu’à ce qu’il ne reste plus rien?
J’ai le sentiment que nous allons le découvrir.
Fin.
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Désolé si certaines parties sont bizarres, j'ai essayé de la garder aussi lisible que possible. Mais je ne suis pas sûre d'avoir très bien réussi...